Discrimination inversée : la condamnation de la société Starbucks

En juin dernier, un jury a alloué 25,6 millions de dollars, dont 25 millions de dommages-intérêts punitifs, à une cadre caucasienne de Starbucks qui se plaignait de discrimination raciale. Plus précisément, cette dernière soutenait qu'elle avait été victime de discrimination raciale inversée en violation de la loi fédérale sur les droits civils de 1964 et de la loi du New Jersey contre les discriminations.

Le litige trouve son origine dans un incident intervenu le 12 avril 2018 dans un Starbucks de Philadelphie. Ce jour-là, deux hommes noirs ont été injustement arrêtés par la police suite à un appel d’une employée qui les avaient accusés d'intrusion. L’affaire avait attiré l’attention des médias et des manifestations avaient eu lieu, les manifestants accusant Starbucks de racisme. A l’époque de l’incident, Madame Philipps, la plaignante, était directrice régionale des opérations depuis 2011 et employée de Starbucks depuis 2005. Elle n’avait joué aucun rôle dans l’incident mais, en raison de sa fonction, elle supervisait le Starbucks dans lequel ce dernier était survenu. En mai 2018, elle fut licenciée. Elle saisit alors le juge en alléguant qu'elle avait été licenciée en raison de sa race caucasienne et afin de permettre à son employeur de redorer son image publique. Starbucks demanda à ce que la plainte soit déclarée infondée, ce que refusa un juge du tribunal fédéral de l’Etat du New Jersey. Ce dernier fonda son raisonnement en trois temps. Il étudia d’abord les preuves présentées par la plaignante. Il estima d’une part, que cette dernière avait démontré qu’un autre employé, afro-américain, avait été traité plus favorablement qu’elle et un autre employé, également caucasien. Le juge considéra d’autre part, qu’elle avait montré que la race était un sujet de discussion récurrent suite à l'incident du 12 avril 2018 et au cours de son licenciement. Il étudia ensuite les preuves apportées par Starbucks, notamment les témoignages de supérieurs hiérarchiques de Madame Philipps selon lesquels cette dernière, après l’incident du 12 avril 2018, était physiquement et mentalement absente lors des réunions, qu’elle semblait débordée, qu’elle n'avait pas conscience de l'importance de la situation pour Starbucks et de ses partenaires ou encore qu’elle n'avait pas rempli correctement ses fonctions de directrice régionale. Le juge considéra alors que les raisons avancées par Starbucks étaient légitimes. Enfin, et conformément à la jurisprudence applicable en matière de discrimination, il rechercha si Madame Philipps avait prouvé que les causes légitimes avancées par son employeur n'étaient pas les véritables causes de son licenciement, mais constituaient seulement un prétexte à la discrimination. Il conclut de son raisonnement que la plaignante avait présenté suffisamment de preuves afin qu’un jury soit saisit et se prononce sur une possible discrimination raciale.

Le jury a donc été convaincu par les preuves avancées par Madame Philipps puisqu’il a considéré que cette dernière avait été licenciée en raison notamment des effets médiatiques défavorables pour Starbucks de l’incident du 12 avril 2018. Il est possible de noter que les deux hommes qui avaient injustement été arrêtés avait touché, aux termes d’un accord avec Starbucks et la ville de Philadelphie,1 million de dollars à chacun. 



Corinne Boismain

janvier 2024