Des décisions contradictoires sur la nature des cryptommonaies

A quelques semaines d’écart, un tribunal fédéral de New York a rendu deux décisions contradictoires sur la nature des cryptomonnaies.

Ces décisions ont été rendues suite aux poursuites engagées par l’Autorité des marchés financiers américaine (SEC) à l’encontre de la société Ripple et de deux de ses dirigeants ainsi qu’à l’encontre de la société Coinbase pour violation de la loi sur les valeurs mobilières (Security Act 1933). Ce dernier interdit à toute personne non enregistrée auprès de la SEC d’acquérir ou de céder, directement ou indirectement, des valeurs mobilières. La question qui se pose actuellement est de savoir si les cryptomonnaies sont effectivement des valeurs mobilières. La Cour Suprême des Etats-Unis, dans un arrêt SEC v. Howey de 1946, a posé trois conditions afin qu’un contrat soit considéré comme un contrat d’investissement soumis à la loi sur les valeurs mobilières. Selon cette dernière, il est nécessaire que les personnes investissent leur propre argent dans une entreprise commune avec l’espoir d’obtenir un bénéfice grâce aux efforts d’autrui, notamment un gestionnaire.

Dans sa décision du 13 juillet dernier, la juge du tribunal fédéral New Yorkais a considéré que la cryptomonnaie XRP n'était pas per se un contrat d’investissement, tel qu’entendu par la Cour suprême dans l’arrêt Howey. Par conséquent, et afin de déterminer la nature d’une cryptomonnaie, elle estime qu’il était nécessaire, pour chaque opération, d’analyser les objectifs visés ainsi que le contexte entourant l’opération. En l’espèce, la juge a précisé que seules les opérations réalisées par des investisseurs institutionnels relevaient de la loi sur les valeurs mobilières, c’est-à-dire que celles réalisées sur un marché secondaire ne l’étaient pas. Dans sa décision du 31 juillet dernier, un juge du même tribunal fédéral New Yorkais a rejeté l’approche de sa collègue en expliquant qu’il refusait d'établir une distinction fondée sur la qualité des personnes acquérant les cryptomonnaies, notamment parce que cette distinction n’est pas prévue dans l’arrêt SEC v. Howey de 1946 de la Cour suprême américaine. Il poursuit en expliquant que le fait qu'une personne ait acquis ses cryptomonnaies directement auprès des défendeurs ou, au contraire, dans le cadre d'une opération de revente secondaire, n'a aucune incidence sur la question de savoir si ces personnes espéraient légitimement obtenir un profit. Comme sa collègue, le juge partait pourtant des critères posés dans l’arrêt SEC v. Howey de 1946. Il précise, comme sa collègue, que la question qui se pose est de savoir si les opérations par lesquelles les cryptomonnaies en cause sont cédées répondent aux trois critères posés par cet arrêt. Il rappelle, qu’afin de déterminer si un contrat est un contrat d’investissement, les juges doivent s’attacher à sa substance et non simplement à sa forme. Il estime, notamment que chacun des acquéreurs, quelque soit sa qualité, espéraient un profit en retour de son investissement. Il en conclut que les cryptomonnaies en cause doivent être considérées comme des titres financiers (securities).

L’Autorité américaines des marchés financiers a voulu faire appel de la décision XRP mais sa demande a été rejetée. En octobre dernier, elle a finalement abandonné les poursuites contre les deux dirigeants de la société Ripple. Elle a en revanche rejeté la requête de la société Coinbase qui demandait la création de nouvelles règles pour les opérations sur les cryptomonnaies. 



Corinne Boismain

Février 2024